Selected Poems (Penguin Classics) Read online

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  Under the feet, a pack of greedy quadrupeds, their muzzles upturned, were prowling around; one larger animal was busying itself in the middle, like an executioner surrounded by his helpers.

  Native of Cythera, born under such a beautiful sky, you were silently suffering these insults, as an expiation of your infamous religious practices and of the sins which denied you burial.

  Laughable hanged man, your sufferings are my own! As I looked on your formless limbs, I felt, rising towards my teeth like vomit, the long river of gall of ancient sufferings.

  Looking at you, poor wretch whose memory is so dear, I felt all the beaks and all the jaws of the tearing crows and the black panthers who once so loved to pulverize my flesh.

  – The sky was delightful, the sea was smooth; for me now everything was black and bloody, alas! and I had, as if in a thick shroud, my heart buried in this allegory.

  In your island, o Venus, I found nothing standing but a symbolic gibbet where my own image hung. O Lord! give me the strength and the courage to look on my heart and my body without disgust.

  68 (CXVII) L’Amour et le Crâne

  VIEUX CUL-DE-LAMPE

  L’Amour est assis sur le crâne

  De l’Humanité,

  Et sur ce trône le profane,

  Au rire effronté,

  Souffle gaiement des bulles rondes

  Qui montent dans l’air,

  Comme pour rejoindre les mondes

  Au fond de l’éther.

  Le globe lumineux et frêle

  Prend un grand essor,

  Crève et crache son âme grêle

  Comme un songe d’or.

  J’entends le crâne à chaque bulle

  Prier et gémir:

  – «Ce jeu féroce et ridicule,

  Quand doit-il finir?

  Car ce que ta bouche cruelle

  Eparpille en l’air,

  Monstre assassin, c’est ma cervelle,

  Mon sang et ma chair!»

  * * *

  Love and the Skull

  AN OLD ENGRAVING

  Cupid is sitting on the skull of Humanity, and on this throne the sinner, with his impudent laugh,

  Is gaily blowing round bubbles, which rise into the air as if to reach the worlds at the far side of the ether.

  The shining, fragile globe soars strongly, bursts and spits out its soul, slight as a golden dream.

  I hear the skull, at each bubble, beg and cry in pain: ‘This savage, ridiculous game – when will it end?

  ‘For what your cruel mouth is scattering in the air, murderous monster, is my brain, my blood and my flesh!’

  RÉVOLTE

  (Revolt)

  69 (CXVIII) Le Reniement de Saint Pierre

  Qu’est-ce que Dieu fait donc de ce flot d’anathèmes

  Qui monte tous les jours vers ses chers Séraphins?

  Comme un tyran gorgé de viande et de vins,

  Il s’endort au doux bruit de nos affreux blasphèmes.

  Les sanglots des martyrs et des suppliciés

  Sont une symphonie enivrante sans doute,

  Puisque, malgré le sang que leur volupté coûte,

  Les cieux ne s’en sont point encore rassasiés!

  – Ah! Jésus, souviens-toi du Jardin des Olives!

  Dans ta simplicité tu priais à genoux

  Celui qui dans son ciel riait au bruit des clous

  Que d’ignobles bourreaux plantaient dans tes chairs vives,

  Lorsque tu vis cracher sur ta divinité

  La crapule du corps de garde et des cuisines,

  Et lorsque tu sentis s’enfoncer les épines

  Dans ton crâne où vivait l’immense Humanité;

  Quand de ton corps brisé la pesanteur horrible

  Allongeait tes deux bras distendus, que ton sang

  Et ta sueur coulaient de ton front pâlissant,

  Quand tu fus devant tous posé comme une cible,

  Rêvais-tu de ces jours si brillants et si beaux

  Où tu vins pour remplir l’éternelle promesse,

  Où tu foulais, monté sur une douce ânesse,

  Des chemins tout jonchés de fleurs et de rameaux,

  Où, le cœur tout gonflé d’espoir et de vaillance,

  Tu fouettais tous ces vils marchands à tour de bras,

  Où tu fus maître enfin? La remords n’a-t-il pas

  Pénétré dans ton flanc plus avant que la lance?

  – Certes, je sortirai, quant à moi, satisfait

  D’un monde où l’action n’est pas la sœur du rêve;

  Puissé-je user du glaive et périr par le glaive!

  Saint Pierre a renié Jésus… il a bien fait!

  * * *

  St Peter’s Denial

  Whatever does God do with the flood of anathemas that rises each day towards his dear Seraphim? Like a tyrant gorged with meat and wine he dozes off to the sweet sound of our dreadful blasphemies.

  The sobs of the martyrs and the tortured are exhilarating music, no doubt, since despite the cost in blood of their pleasures the heavens have still not had their fill of them.

  – Oh, Jesus, remember the Garden of Olives! In your simplicity you prayed on your knees to him who in his heaven laughed at the sounds of the nails that vile torturers were planting in your living flesh,

  When you saw them spit upon your divinity, the scum of the guardroom and the kitchens, and when you felt the thorns enter your skull, the dwelling-place of immense Humanity;

  When the horrible weight of your broken body dragged upon your two dislocated arms, when your blood and your sweat ran down your paling forehead, when you were placed in front of everyone as a target,

  Did you dream of those days, so brilliant and so beautiful, when you came to fulfil the eternal promise, when you walked, mounted on a gentle she-ass, over paths all strewn with flowers and branches?

  When, your heart swollen with hope and bravery, you whipped those vile merchants with all your strength, when you were finally master? Did not remorse strike deeper into your side than the lance?

  Certainly I, for my part, shall be glad to leave a world where action is not the sister of dreams. May I live by the sword and perish by the sword! St Peter denied Jesus… he was right.

  70 (CXIX) Abel et Caïn

  I

  Race d’Abel, dors, bois et mange;

  Dieu te sourit complaisamment.

  Race de Caïn, dans la fange

  Rampe et meurs misérablement.

  Race d’Abel, ton sacrifice

  Flatte le nez du Séraphin!

  Race de Caïn, ton supplice

  Aura-t-il jamais une fin?

  Race d’Abel, vois tes semailles

  Et ton bétail venir à bien;

  Race de Caïn, tes entrailles

  Hurlent la faim comme un vieux chien.

  Race d’Abel, chauffe ton ventre

  A ton foyer patriarcal;

  Race de Caïn, dans ton antre

  Tremble de froid, pauvre chacal!

  Race d’Abel, aime et pullule!

  Ton or fait aussi des petits.

  Race de Caïn, cœur qui brûle,

  Prends garde à ces grands appétits.

  Race d’Abel, tu croîs et broutes

  Commes les punaises des bois!

  Race de Caïn, sur les routes

  Traîne ta famille aux abois.

  II

  Ah! race d’Abel, ta charogne

  Engraissera le sol fumant!

  Race de Caïn, ta besogne

  N’est pas faite suffisamment;

  Race d’Abel, voici ta honte:

  Le fer est vaincu par l’épieu!

  Race de Caïn, au ciel monte,

  Et sur la terre jette Dieu!

  * * *

  Abel and Cain

  I

  Race of Abel, sleep, drink and eat; God smiles on you indulgently.

  Race of Cain, crawl in the mud, crawl and die in wretchedness.

  Race of Abel, your sacrifice is sweet i
n the nostrils of the Seraph!

  Race of Cain, will your torture ever end?

  Race of Abel, see your crops amd your cattle prosper;

  Race of Cain, your bowels are howling with hunger like an old dog.

  Race of Abel, warm your belly at your patriarch’s hearth;

  Race of Cain, in your cave, shiver with cold, poor jackal.

  Race of Abel, love and pullulate! Your gold, too, is breeding.

  Race of Cain, burning heart, beware of those fierce appetites.

  Race of Abel, you grow and feed like woodlice.

  Race of Cain, along the roads, drag your desperate family.

  II

  Ah, race of Abel, your carcass will manure the steaming earth!

  Race of Cain, you haven’t finished the job;

  Race of Abel, here is your shame: the sword is conquered by the hunting-spear!

  Race of Cain, climb up to heaven and throw down God upon the earth!

  71 (CXX) Les Litanies de Satan

  O toi, le plus savant et le plus beau des Anges,

  Dieu trahi par le sort et privé de louanges,

  O Satan, prends pitié de ma longue misère!

  O Prince de l’exil, à qui l’on a fait tort,

  Et qui, vaincu, toujours te redresses plus fort,

  O Satan, prends pitié de ma longue misère!

  Toi qui sais tout, grande roi des choses souterraines,

  Guérisseur familier des angoisses humaines,

  O Satan, prends pitié de ma longue misère!

  Toi qui, même aux lépreux, aux parias maudits,

  Enseignes par l’amour le goût du Paradis,

  O Satan, prends pitié de ma longue misère!

  O toi qui de la Mort, ta vieille et forte amante,

  Engendras l’Espérance, – une folle charmante!

  O Satan, prends pitié de ma longue misère!

  Toi qui fais au proscrit ce regard calme et hau

  Qui damne tout un peuple autour d’un échafaud,

  O Satan, prends pitié de ma longue misère!

  Toi qui sais en quels coins des terres envieuses

  Le Dieu jaloux cacha les pierres précieuses,

  O Satan, prends pitié de ma longue misère!

  Toi dont l’œil clair connaît les profonds arsenaux

  Où dort enseveli le peuple des métaux,

  O Satan, prends pitié de ma longue misère!

  Toi dont la large main cache les précipices

  Au somnambule errant au bord des édifices,

  O Satan, prends pitié de ma longue misère!

  Toi qui, magiquement, assouplis les vieux os

  De l’ivrogne attardé foulé par les chevaux,

  O Satan, prends pitié de ma longue misère!

  Toi qui, pour consoler l’homme frêle qui souffre,

  Nous appris à mêler le salpêtre et le soufre,

  O Satan, prends pitié de ma longue misère!

  Toi qui poses ta marque, ô complice subtil,

  Sur le front du Crésus impitoyable et vil,

  O Satan, prends pitié de ma longue misère!

  Toi qui mets dans les yeux et dans le cœur des filles

  Le culte de la plaie et l’amour des guenilles,

  O Satan, prends pitié de ma longue misère!

  Bâton des exilés, lampe des inventeurs,

  Confesseur des pendus et des conspirateurs,

  O Satan, prends pitié de ma longue misère!

  Père adoptif de ceux qu’en sa noire colère

  Du paradis terrestre a chassés Dieu le Père,

  O Satan, prends pitié de ma longue misère!

  PRIÈRE

  Gloire et louange à toi, Satan, dans les hauteurs

  Du Ciel, où tu régnas, et dans les profondeurs

  De l’Enfer, où, vaincu, tu rêves en silence!

  Fais que mon âme un jour, sous l’Arbre de Science,

  Près de toi se repose, à l’heure où sur ton front

  Comme un Temple nouveau ses rameaux s’épandront!

  * * *

  The Litanies of Satan

  O most learned and beautiful of the Angels, a God betrayed by fate and deprived of praises,

  O Satan, take pity on my long misery!

  O Prince of exile, to whom wrong was done, and who, vanquished, dost always rise up in greater strength, o Satan…

  Thou who knowest all, great lord of the things which are under the earth, familiar healer of human anguish, o Satan…

  Thou who even to the lepers, to the accursed outcasts, dost impart through love the taste of Paradise, o Satan…

  O thou who upon Death, thy old and powerful mistress, didst beget Hope, charming in her folly, o Satan…

  Thou who givest to the condemned man that calm, lofty look that damns a whole people gathered around a scaffold, o Satan…

  Thou who knowest in what corners of envious earth a jealous God hid precious stones, o Satan…

  Thou whose clear eye knows the deep arsenals where the race of metals lies sleeping, o Satan…

  Thou whose broad hand hides the precipice from the sleepwalker wandering at the edges of buildings, o Satan…

  Thou who, magically, dost make supple the old bones of the late-walking drunkard trampled by the horses, o Satan…

  Thou who, to console frail man in his sufferings, hast taught us to mix saltpetre and sulphur, o Satan…

  Thou who settest thy mark, o subtle accomplice, on the brow of the pitiless and vile Croesus, o Satan…

  Thou who puttest in the eyes and the heart of girls the cult of wounds and the love of rags, o Satan…

  Staff of exiles, lamp of inventors, confessor of gallow-birds and conspirators, o Satan…

  Foster-father of those whom, in his black anger, God the Father expelled from the earthly paradise, o Satan…

  PRAYER

  Glory and praise to thee, Satan, in the heights of Heaven, where thou didst once reign, and in the depths of Hell where, vanquished, thou dreamest in silence! Vouchsafe that my soul one day may rest in thee, under the Tree of Knowledge, at the hour when over thy brow, like a new Temple, its branches once more are spread.

  LA MORT

  (Death)

  72 (CXXI) La Mort des Amants

  Nous aurons des lits pleins d’odeurs légères,

  Des divans profonds comme des tombeaux,

  Et d’étranges fleurs sur des étagères,

  Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux.

  Usant à l’envi leurs chaleurs dernières,

  Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux,

  Qui réfléchiront leurs doubles lumières

  Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.

  Un soir fait de rose et de bleu mystique,

  Nous échangerons un éclair unique,

  Comme un long sanglot, tout chargé d’adieux;

  Et plus tard un Ange, entr’ouvrant les portes,

  Viendra ranimer, fidèle et joyeux,

  Les miroirs ternis et les flammes mortes.

  * * *

  The Death of Lovers

  We shall have beds filled with light odours, couches deep as tombs, and, set out on shelves, rare flowers which bloomed for us under more beautiful skies.

  Vying to use up their last heats, our hearts will be two great torches, which will reflect their double lights in our two spirits, those twin mirrors.

  One evening made of mystic blue and rose, we shall exchange a single bolt of lightning, like a long sob, laden with farewells;

  And later an Angel, gently opening the doors, will come, faithful and joyous, to revive the dulled mirrors and the dead flames.

  73 (CXXII) La Mort des Pauvres

  C’est la Mort qui console, hélas! et qui fait vivre;

  C’est le but de la vie, et c’est le seul espoir

  Qui, comme un élixir, nous monte et nous enivre,

  Et nous donne le cœur de marcher jusqu’au soir;

  A travers la tempête, et la neige, et le givre,<
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  C’est la clarté vibrante à notre horizon noir;

  C’est l’auberge fameuse inscrite sur le livre,

  Où l’on pourra manger, et dormir, et s’asseoir;

  C’est un Ange qui tient dans ses doigts magnétiques

  Le sommeil et le don des rêves extatiques,

  Et qui refait le lit des gens pauvres et nus;

  C’est la gloire des dieux, c’est le grenier mystique,

  C’est la bourse du pauvre et sa patrie antique,

  C’est le portique ouvert sur les Cieux inconnus!

  * * *

  The Death of the Poor

  It is Death which consoles men, alas, and keeps them alive. Death is the aim of life; it is the only hope which, like an elixir, raises our spirits and intoxicates us, and gives us the heart to march until evening;